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SFR en alerte : 10 000 emplois menacés par la crise financière

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L’un des plus grands opérateurs français traverse une zone de turbulences inédite. SFR, propriété du groupe Altice France, est aujourd’hui au cœur d’une tourmente financière et sociale d’une ampleur rarement vue dans le secteur des télécommunications. Entre dettes colossales, pression concurrentielle et crainte d’un rachat, l’avenir de plus de 10 000 salariés reste incertain.

Un géant en difficulté financière

Depuis plusieurs années, la stratégie d’expansion d’Altice  fondée sur des rachats massifs et financée à crédit  a fragilisé les comptes du groupe. La maison mère de SFR affiche encore près de 24 milliards d’euros de dette, un montant qui pèse lourdement sur sa rentabilité. En 2024, la situation est devenue intenable : les créanciers ont exigé un accord de restructuration pour éviter une faillite.

Cet accord, conclu à l’été 2025, prévoit l’effacement d’environ 8 milliards d’euros, ramenant la dette à près de 15 milliards. En contrepartie, les créanciers obtiennent une participation de 45 % dans le capital d’Altice France. Ce compromis soulage temporairement les finances, mais ouvre aussi la porte à une cession de SFR, dont la valeur de marché est estimée entre 20 et 26 milliards d’euros selon les analystes.

Pour le fondateur Patrick Drahi, longtemps considéré comme l’architecte d’un empire bâti à crédit, c’est un tournant majeur. Les investisseurs veulent désormais récupérer leur mise, quitte à se séparer de la filiale française la plus connue du groupe.

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Pourquoi 10 000 emplois sont menacés ?

Le chiffre a de quoi inquiéter. Selon Olivier Lelong, délégué syndical CFDT, plus de 10 000 postes pourraient disparaître dans les prochains mois. SFR emploie actuellement près de 13 000 personnes en France, sans compter les milliers de sous-traitants travaillant pour la maintenance, le service client ou les infrastructures réseau.

Les syndicats redoutent plusieurs scénarios :

  • Vente par lots des actifs (réseaux, boutiques, data centers) entraînant des doublons de postes ;
  • Fermetures de sites régionaux dans le cadre d’un plan de restructuration ;
  • Externalisations vers des prestataires étrangers pour réduire les coûts d’exploitation.

L’alerte sociale est donc maximale. Les représentants du personnel demandent des garanties, notamment un gel des licenciements tant que les discussions avec les créanciers et l’État ne sont pas finalisées.

Un marché des télécoms saturé et impitoyable

SFR n’est pas seul à souffrir : tout le secteur français des télécoms est confronté à une baisse de rentabilité. Les marges se sont érodées depuis la guerre des prix lancée en 2012, quand Free a bouleversé le marché avec des forfaits à bas coût.

Aujourd’hui, les opérateurs se livrent une bataille acharnée pour retenir les clients, au prix d’une rentabilité toujours plus faible. D’après les chiffres de l’Arcep, le revenu moyen par abonné mobile (ARPU) est tombé à environ 14 € par mois en 2025, contre plus de 22 € en 2010.
Or, dans le même temps, les investissements dans la 5G et la fibre optique ont explosé : selon la Fédération Française des Télécoms, les opérateurs français ont injecté près de 15 milliards d’euros dans leurs infrastructures en 2024.

Résultat : une équation quasi impossible à résoudre. Les revenus stagnent, les coûts augmentent, et la dette d’Altice atteint des niveaux critiques. Dans ce contexte, la vente de SFR apparaît comme la seule bouffée d’oxygène possible pour alléger la charge financière du groupe.

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Une restructuration aux conséquences humaines lourdes

Derrière les chiffres se cachent des réalités humaines. Si une cession est actée, des milliers de familles pourraient être touchées. Les postes les plus exposés sont ceux des centres d’appels, du service client et des équipes techniques locales.
Les syndicats craignent également une dégradation des conditions de travail, conséquence classique des restructurations industrielles de cette ampleur.

Les employés redoutent un scénario similaire à celui vécu lors de la fusion SFR-Numericable en 2014 : à l’époque, près de 5 000 postes avaient été supprimés en deux ans. Aujourd’hui, la situation pourrait être bien plus sévère, car la marge de manœuvre financière est beaucoup plus faible et les perspectives de croissance sont limitées.

Que cherche Patrick Drahi ?

La question du rôle de Patrick Drahi est centrale. Propriétaire d’Altice et donc de SFR, il détient encore la majorité du capital après l’accord de restructuration. Officiellement, il affirme vouloir redresser l’entreprise et préserver l’emploi. Officieusement, de nombreux analystes estiment qu’il prépare la cession de SFR pour assainir ses finances et rassurer les marchés.

Les créanciers, désormais actionnaires, poussent dans le même sens. Leur objectif est de revendre l’opérateur rapidement pour récupérer une partie de leurs créances. Plusieurs acteurs — dont Bouygues Telecom, Iliad (Free) et des fonds étrangers comme KKR ou Apollo Global Management — seraient déjà sur les rangs, selon la presse économique.

Une vente, totale ou partielle, pourrait intervenir dès 2026, après validation de l’Autorité de la Concurrence. Mais le calendrier dépendra du marché, des conditions de financement et du climat social.

La position du gouvernement français

Face à l’ampleur des risques, l’État ne reste pas indifférent. Le ministère de l’Économie suit de près le dossier, notamment pour préserver la souveraineté numérique du pays.
Le réseau de SFR couvre près de 99 % de la population en 4G et plus de 80 % en fibre, ce qui en fait un acteur stratégique pour la connectivité nationale.

Des discussions ont déjà eu lieu entre Bercy et la direction d’Altice France afin d’envisager un plan de sauvegarde de l’emploi et des mesures d’accompagnement si la cession se concrétise.
Une nationalisation partielle n’est pas envisagée, mais l’État pourrait exiger des engagements précis du futur acquéreur en matière d’emploi et d’investissements.

Un signal d’alarme pour tout le secteur

Le cas SFR illustre une fragilité plus large. En Europe, plusieurs opérateurs historiques sont confrontés à des dettes élevées et à des marges en déclin. En Espagne, Telefónica a dû céder une partie de son capital à des fonds d’investissement ; au Royaume-Uni, BT Group a lancé un vaste plan de réduction d’effectifs.
La situation française s’inscrit donc dans une tendance continentale : l’industrie des télécoms peine à financer ses infrastructures tout en maintenant des prix compétitifs.

Selon une étude d’EY France publiée en 2025, près de 60 % des opérateurs européens envisagent des fusions, ventes d’actifs ou partenariats d’ici 2027 pour rester solvables. SFR est simplement le premier à subir la tempête à grande échelle.

Que peut-il se passer dans les prochains mois ?

Les prochains mois seront décisifs. Trois scénarios sont actuellement envisagés :

  1. Vente totale de SFR : un opérateur ou un fonds rachète la totalité de l’entreprise, ce qui simplifierait la structure du groupe mais poserait la question des doublons d’emplois.
  2. Vente partielle d’actifs : Altice cède uniquement le réseau ou la partie entreprise de SFR pour réduire sa dette.
  3. Plan social interne sans cession immédiate, visant à restaurer la rentabilité en supprimant plusieurs milliers de postes.

Dans tous les cas, l’emploi sera impacté. Le gouvernement pourrait intervenir pour limiter la casse, mais sans engagement ferme des repreneurs, les perspectives restent incertaines.

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