La fermeture d’Aube Tricotage, atelier historique basé à Sainte-Savine, marque un tournant inquiétant pour le textile français. Après quinze ans de direction, l’entreprise cesse ses activités, laissant 17 salariés sans emploi et un vaste atelier de 3 000 m² vide, avec 44 machines à tricoter désormais inutilisées. Cette fermeture illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les ateliers locaux : dépendance à quelques clients, hausse des coûts et concurrence étrangère.
Comment un client unique a précipité la chute d’aube tricotage ?
Pendant plus de dix ans, Le Coq Sportif représentait la majeure partie des commandes d’Aube Tricotage, atteignant jusqu’à 85 % du chiffre d’affaires. Cette relation a permis à l’entreprise de passer de 70 tonnes à 1 000 tonnes de bobines tricotées par an.
Mais cette dépendance a exposé l’atelier à un risque majeur : dès que le client a retardé ses paiements et réorienté sa stratégie, la trésorerie de l’entreprise s’est effritée rapidement. Les commandes locales se sont réduites et l’atelier a dû absorber des impayés de 180 000 euros, ce qui a fragilisé son fonctionnement et précipité sa fermeture.
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Les coûts énergétiques explosent et étranglent les ateliers français
La facture énergétique a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années, passant de 7 000 à 20 000 euros par mois en hiver. Pour un atelier de taille moyenne comme Aube Tricotage, ces charges constituent un poids insoutenable.
À cela s’ajoutent 200 000 euros de loyers impayés, reflétant la difficulté à maintenir une activité stable dans un contexte de production réduite. La combinaison de ces charges fixes élevées et de la baisse des commandes a eu raison de la viabilité de l’entreprise.
La disparition d’un savoir-faire rare dans l’aube
Aube Tricotage était l’un des derniers ateliers français capable de transformer directement le fil en produit fini sur le territoire de l’Aube. Sa fermeture entraîne la perte de compétences industrielles rares et fragilise le tissu industriel local.
Cette perte ne se limite pas à l’économie : elle affecte également la transmission des métiers aux nouvelles générations, limitant les opportunités pour les jeunes formés au tricotage et à la confection industrielle.
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Shein et temu : la concurrence étrangère qui bouleverse les ateliers locaux
La présence d’acteurs étrangers à bas coût, tels que Shein et Temu, accentue la pression sur les ateliers français. Ces plateformes proposent des vêtements à des prix très inférieurs à ceux des producteurs locaux, rendant difficile la compétitivité des entreprises comme Aube Tricotage.
Cette concurrence encourage certaines marques à se tourner vers des fournisseurs internationaux, au détriment de la production locale. La conséquence est un appauvrissement progressif du tissu industriel et la fermeture de nombreux ateliers historiques.
Emplois menacés : des carrières brisées à sainte-savine
La fermeture de l’atelier touche 17 salariés, dont la majorité est proche de la cinquantaine. Pour ces employés, retrouver un emploi équivalent sera compliqué. Cette situation s’inscrit dans un contexte plus large, avec déjà 140 emplois textiles supprimés dans l’Aube cette année.
Au-delà de l’impact économique, la disparition de ces emplois représente une perte de savoir-faire et une rupture dans la transmission des compétences locales, indispensables pour maintenir un secteur industriel viable.
La filière textile locale en déclin malgré les initiatives de préservation
L’affaire Aube Tricotage met en lumière plusieurs problématiques structurelles :
- Une dépendance à un client unique, source de fragilité financière.
- Une hausse continue des charges fixes, difficilement absorbable pour les petites structures.
- Une concurrence internationale à bas coût, qui réduit les commandes locales.
- Une perte progressive de savoir-faire et de compétences, menaçant l’avenir industriel.
Pour contrer cette tendance, syndicats et industriels multiplient les initiatives afin de préserver les ateliers restants et maintenir la formation dans les métiers du tricotage, de l’ennoblissement et de la confection.
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Troyes, capitale du tricot : un territoire à la dérive industrielle
Historiquement, Troyes a compté jusqu’à 35 000 salariés dans le textile en 1980. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à environ 2 500, illustrant le déclin rapide du secteur. La fermeture d’Aube Tricotage symbolise cette perte de capacité industrielle et la difficulté de préserver un savoir-faire stratégique sur le territoire.
Chaque atelier qui disparaît réduit l’opportunité de former de nouveaux talents et fragilise l’ensemble de la filière locale. Le maintien des compétences devient un enjeu crucial pour assurer la continuité de la production française.